La Théorie de l’évolution des espèces décrite par Charles Darwin en 1859 dans son ouvrage L'Origine des espèces est un principe qui peut être appliqué à toutes les formes d’organisations sociales, religieuses, politiques, économiques et industrielles. Parce que toutes ces ramifications humaines sont pétries de biologie. Toutes les formes d’organisation comme toutes les formes d’organismes ou de complexité obéissent invariablement aux mêmes lois. Celles de la Vie. Pour exemples, les innovations technologiques, les inventions, les découvertes scientifiques, médicales, culinaires ou horticoles, artistiques à plus forte raison... ont le plus souvent été révélées à la faveur d’un hasard, d’un accident, d’une erreur survenue au sein d’un processus donné pour rigoureux et bien réglé. Ces erreurs, ces « mutations », ces parts de hasard technologique ont donné naissance à de nouveaux rameaux comme autant d’axes de recherche et de développement possibles. L’évolution biologique n’opère pas différemment. Or, c’est elle que nous retrouvons au cœur de nos systèmes et de nos institutions les plus hautement perfectionnés et d’apparence « dénaturés ». À la faveur de mutations accidentelles, toutes les espèces vont tôt ou tard développer des singularités qui s’avèreront ou non porteuses d’avenir selon leur pertinence par rapport au milieu et aux besoins du moment. Des facteurs extérieurs peuvent aussi accélérer le processus à la faveur de crises environnementales majeures. Par exemple, celle du Crétacé/Tertiaire il y a 65 millions d’années. D’une certaine manière, toute évolution est un subtil déséquilibre entre le hasard et la nécessité. Ce même déséquilibre qui fait qu’un système, qu’il soit biologique ou économique, se trouve en mouvement et évolue.
Plus prosaïquement, les entreprises elles-mêmes n’échappent pas à cette part biologique. Dès lors qu’elles n’existent que par l’homme et pour l’homme, elles n’échappent pas aux forces organiques dont elles sont les prolongements mécaniques. Aussi, de l’évolution des espèces peut-on inférer une évolution des systèmes.
L’information n’est pas la connaissance nous dit Deming. En effet, on peut disposer de nombreuses informations sans pour cela en retirer de la connaissance. C’est aussi toute la différence entre la quantité et la qualité ; la complication d’un système et sa complexité. Certaines informations sont plus pertinentes que d’autres ; plus ou moins utiles. Tout dépend de ce à quoi elles sont destinées. Certaines informations sont provisoires, éphémères. D’autres au contraire peuvent avoir un caractère plus ou moins permanent. Aussi, détenir de nombreuses données sur un sujet ou un travail ne nous le fait pas pour autant bien connaître. Pas davantage ne nous fait bien connaître une personne que d’amasser quantités de paroles à son propos. Car la connaissance a ceci de plus que l’information, qu’elle l’organise et lui donne une dimension supplémentaire. Celle qui nous fait accéder à une dimension supérieure du savoir. Pour extraire une connaissance de certaines informations il faut y opérer une certaine discrimination ; une sélection qui suppose que l’on connaît déjà le but vers lequel on tend. Tout système doit avoir un but. Sans but, il n’y a pas de système nous dit encore Deming. Il faut avant tout se définir un objectif pour seulement ensuite se donner les moyens informatifs d’y parvenir. Notre époque hyper technologique croule littéralement sous une masse incommensurable d’informations. Mais avons-nous en chemin acquis une plus profonde connaissance ? Savons-nous, au milieu de cette débauche de moyens mis à notre disposition faire la part des choses et séparer le bon grain de l’ivraie ?
Il est aujourd’hui impressionnant de voir à quel point nombre d’informations cruciales se perdent à longueur de journée à cause d’un flux trop important au sein duquel plus personne n’est en mesure de définir un ordre des priorités. Entre le flux constant des informations écrites, orales, de fiches idées, de mails et de coups de téléphone, c’est à peine si le personnel d’encadrement a véritablement le temps de se consacrer pleinement à un problème et de le traiter de manière efficace. Aujourd’hui, et toujours pour gagner en productivité, il est courant de voir un responsable travailler d’une main pendant qu’il téléphone de l’autre. On ne tardera plus à voir les responsables d’ateliers et chefs d’équipes munis de kit mains-libres afin de cumuler les tâches. Malgré cela, le travail de communication n’est pas plus efficace ; loin s’en faut. Dans ce flux permanent, chaque information chasse la précédente. Chaque conversation de chair et d’os, et pour peu qu’on réussisse à l’initier, est aussitôt interrompue. Des dizaines d’appels téléphoniques, les réunions, les formations diverses et variées arrachent quotidiennement le responsable de secteur à sa seule vraie mission : aider chacun dans son travail. Un simple carnet où chaque information, requête ou commentaire serait rigoureusement collectés dans l’ordre des priorités remplacerait avantageusement les portables et autres boîtes mails où tout se perd. Ce défaut de suivi peut d’ailleurs être facilement mis à profit par n’importe quel opérateur désireux de n’en faire qu’à sa tête ou d’échapper à un ordre contraignant. On peut être assuré que passées dix ou vingt minutes le responsable aura déjà oublié ce qu’il vient de vous demander aussi bien que ce que vous lui avez demandé. Autant dire que nombre de tâches quotidiennes et de problèmes qui pourraient être accomplies ou résolus dans l’heure passent tout aussi rapidement à la trappe. Ce n’est que pour mieux ressurgir plus tard, amplifié par de nouvelles difficultés.