EFFONDREMENT & EVOLUTION  
         
          Sébastien JUNCA   

La nouvelle entreprise

Dans le seul domaine de l’industrie et du commerce, la récente crise sanitaire liée au Covid-19 a fait la démonstration que, une fois encore, les organismes ayant le mieux surmonté cette épreuve étaient ceux qui avaient su s’adapter rapidement aux circonstances nouvelles. Je dis organismes parce que l’entreprise, quelle que soit sa taille, son domaine d’activité, sa philosophie ou son mode de fonctionnement est un organisme comme les autres. Aussi s’inscrit-elle au sein du vaste processus évolutif. Aussi obéit-elle aux mêmes contraintes et aspire-t-elle aux mêmes objectifs : survie, croissance, reproduction. Elle utilise aussi les mêmes procédés organisationnels puisque quelle que soit sa forme, ses objectifs ou son secteur d’activité, elle repose sur du vivant.

Atome, molécule, cellule, organisme, société, entreprise, cité, nation, civilisation… toujours la même force vitale mue par les mêmes besoins : survie, extension, transformation, information, adaptation, extinction, restructuration (individuelle ou collective) puis redistributions des nouveaux éléments synthétisés. C’est le même instinct, la même force qui anime indifféremment la cellule ou l’entreprise, un atome et une société animale. Il consiste à lutter contre toutes les formes d’entropie, de dissolution par l’édification de complexités par évolutions successives et toujours mieux adaptées à l’environnement. Ce qui ne signifie pas pour autant que ces complexités soient à chaque étape toujours plus importantes en taille ou en nature. Loin s’en faut. Car l’adaptation n’est pas toujours synonyme de complication. Bien au contraire.

Un système complexe est, en règle générale, un système fragile voué aux vicissitudes et aux aléas de l’environnement. Il est intrinsèquement fragilisé par la multiplicité des éléments qui le composent et par l’énergie et le temps (synonymes d’entropie) dépensés à assurer la cohésion et la communication entre tous. La spécialisation excessive, le cloisonnement des tâches et des fonctions sont autant d’occasions de grippages et de fragilités qui doivent être en permanence compensées et anticipées par une consolidation des liens, l’efficacité de la communication et la conservation de la bonne information. C’est le rôle joué par le cerveau et sa grande plasticité au sein des organismes complexes tels que les mammifères.

Parfois, la complexité des systèmes est inévitable, au même titre que celle des entreprises. Aussi perdent-ils en souplesse, en adaptabilité et en réactivité. Aussi doivent-ils compenser ces pertes au niveau systémique par une intégration supérieure en matière de lien, de circulation de l’information et de réactivité. Autant de fonctions transversales dont la dynamique doit suppléer et compenser l’inertie indissociable d’une complexité excessive.


 
Le changement c’est la survie !

Ce qui garanti l’intégrité du corps organique, garanti de même celle d’une entreprise comme de n’importe quel autre système dynamique. Les notions universelles de lien, de réseau, de plasticité, de communication, d’information, de connaissance, d’évolution, d’échange, d’adaptation sont autant de fondamentaux incontournables au sein de n’importe quelle organisation biologique, industrielle, économique ou sociétale.

La survie de n’importe quel système est un fragile équilibre entre chaos et homéostasie 1
. « L’ordre peut naître du chaos à condition de savoir maintenir le système dans cette phase critique de transition (en bordure du chaos) entre la rigidité sclérosée et la turbulence stérile, cette phase critique favorisant la créativité, l’innovation et la complexification2 » écrit Joël de Rosnay. Cette phase critique est ce qu’il nomme ailleurs l’équilibre dynamique. Or, c’est vers cet équilibre dynamique que doivent tendre les systèmes quels qu’ils soient s’ils veulent survivre, autrement dit, évoluer, créer, s’adapter et donc changer avec leur environnement. Or, pour ce faire, ces systèmes doivent être en capacité d’intégrer et de traiter rapidement les informations qui leur parviennent de l’extérieur comme de l’intérieur. Ils doivent présenter une cohésion sans faille assortie d’une souplesse et d’une capacité d’adaptation optimisées. Intégration, souplesse, circulation optimale de l’information, prise de décision réactive, capacité accrue d’analyse et d’évaluation, enfin, créativité. Voila les différentes composantes d’un organisme apte à surmonter les difficultés d’où qu’elles viennent. Autrement dit, apte à évoluer dans l’étroite marge de manœuvre située entre l’inertie stérile et le chaos perpétuel.

La nouvelle entreprise est donc un système qui a d’ores et déjà parfaitement intégré l’idée centrale de sa nécessaire adaptabilité au changement. Elle est en capacité permanente de remettre en cause, si cela s’avère nécessaire, ses certitudes, ses acquis, ses orientations mêmes sinon son propre mode de fonctionnement. Elle est en prise directe avec la vie et avec tout ce qu’elle implique de renoncements, de changements, de lâcher-prise et d’ouverture aux idées nouvelles et à toutes les propositions dont les circonstances, de prime abord difficiles, peuvent être néanmoins porteuses. Tout cela sous-entend donc que la nouvelle entreprise est avant tout une entreprise à l’écoute. À l’écoute des marchés bien sûr. Mais aussi à l’écoute des circonstances, de l’époque, des besoins et des exigences éthiques et environnementales. Mais aussi et surtout à l’écoute de ses propres organes que sont prioritairement ses collaborateurs autant que ses clients. C’est une entreprise ouverte au monde et sur le monde. C’est une entreprise qui sait aussi où puiser les forces de sa réussite et qui sont en premiers : la passion, l’envie, la rigueur, le partage, la joie, les défis, l’amour du travail bien fait, l’exigence, l’excellence, le service, l’échange, le respect mutuel, l’admiration, la confiance, la créativité… autant de valeurs trop souvent négligées parce que trop souvent considérées dans la pratique comme des freins à la sacro-sainte productivité. Et pourtant, ce sont autant de valeurs hyper productives parce que seules à même d’emmener véritablement chacun au-delà de ses propres limites. Également parce qu’elles sont les seules à même de donner du sens à toute entreprise, professionnelle autant que personnelle.

Beaucoup d’entreprises, grandes ou petites, ignorent à quel point leurs profits pourraient être autres que ce qu’ils sont. Et ce, rien qu’en éradiquant toutes les formes de gaspillage de temps, de matières premières, d’efforts humains inutiles ou redondants, disproportionnés, inadaptés. Gaspillages d’idées aussi. Gaspillages également de tous ces potentiels largement ignorés chez la plupart des collaborateurs sous prétexte qu’aucun diplôme, qu’aucune « formation qualifiante » selon le terme consacré, n’est en mesure de valider des acquis et des capacités bien réels qui pourraient, d’une manière ou d’une autre, être mis à contribution au sein des entreprises. Celles-ci pourraient aussi gagner en productivité, en bien-être et donc en réduction d’absentéisme sans pour autant devoir augmenter les cadences, le temps de travail ou les prix de leurs produits.


 
« Il avait tout pour être heureux ! »

La plupart de ces entreprises vont bien. Elles font même de substantiels bénéfices. Or, c’est justement là la raison pour laquelle elles ne s’inquiètent pas davantage du bien-fondé de leur organisation. Nul n’est besoin d’inonder le marché de produits souvent faits à la hâte, au plus bas coût, encore trop souvent au mépris des normes environnementales ou sanitaires, du bien-être humain ou animal pour créer de la richesse et du sens. On le voit aujourd’hui, de grands groupes naguère poids lourds dans leur domaine, se voient contraints de licencier en masse parce qu’ils n’ont tout simplement pas su s’adapter à un nouvel environnement social, économique ; à de nouveaux besoins des consommateurs. Pas su ou pas pu, du fait de structures trop pesantes, trop complexes et donc pas assez souples et réactives pour s’adapter à des changements à la fois soudains autant que radicaux.

Je connais de l’intérieur une petite entreprise familiale qui jusqu’à présent tire plutôt bien son épingle du jeu sur le plan économique. Implantée en province, une dizaine de salariés, deux ou trois gros clients fidèles et financièrement solides (marché public) qui assurent à eux seuls l’essentiel du chiffre d’affaire. Enfin peu ou pas de concurrence. Le tout assorti de jolies petites primes de fin d’année et de fin d’exercice. Du moins était-ce le cas jusqu’à maintenant. Beaucoup de souplesse également dans le management. Trop en fait ! Il est inexistant. Bref ! Une entreprise qui, vue de l’extérieur, semble remplir tous les critères de la bonne santé économique. Et pourtant. Peu de gens s’y sentent heureux, impliqués. Pas même les dirigeants qui, dès le lundi matin, ne pensent qu’aux réjouissances du week-end. Deux frères qui n’ont eu comme peine que d’hériter de la structure et de la clientèle que leurs parents ont contribué à construire durant près de trente ans. Or, la bonne santé économique ne suffit pas au bonheur dans l’entreprise. Pas même à garantir sa pérennité. On peut avoir bonne mine et nourrir un cancer. Sans communication en interne, sans projets novateurs et porteurs, sans véritable dynamique propice à emmener ses collaborateurs vers l’avenir, cette entreprise est vouée tôt ou tard à disparaître pour n’avoir pas su se réinventer au quotidien. Un organisme sans projet est un organisme intrinsèquement vulnérable. À court, moyen ou long terme, il faut dans tous les cas avoir une vision qui fait aussi office de croyance. Laquelle est à même de donner du sens aux actes du quotidien et qui leur donne par surcroît, toute leur valeur. Enfin parce que l’argent, les trésors de guerre et les bénéfices substantiels ne font pas tout. Parce qu’il faut du sens à ce que l’on fait tous les jours et du lien dans notre manière de l’entreprendre et de le faire. Sans cela, l’absurde menace, puis le découragement, l’absence de volonté, de motivation, de rigueur, de qualité… bref, de tout esprit d’entreprise. Parce que la survie sans l’envie ne signifie pas grand-chose : « Il avait tout pour être heureux ! ».

Je connais un éleveur de chèvres aujourd’hui plus heureux et plus à l’équilibre financier avec ses vingt chèvres en élevage bio respectueux de ses bêtes que par le passé avec ses deux cents chèvres en élevage intensif.

Les grands groupes du passé, l’actualité des effets du Covid-19 le démontre de manière douloureuse, sont à la merci des fluctuations sociales et économiques. Ils ne répondent plus ou ne répondront bientôt plus aux impératifs écologiques et environnementaux pas plus qu’aux nouvelles aspirations des consommateurs qui sont aussi des travailleurs comme les autres. Par manque de souplesse, d’adaptabilité, souvent aussi de volonté. Laissons-les mourir de leur mort naturelle : l’extinction pour les uns ; l’évolution pour les autres. Orientons désormais nos efforts vers un nouveau modèle entrepreneurial et donc social.


 
Évoluer

Évoluer, pour une entreprise comme pour n’importe quel organisme ou système complexe ne veut pas systématiquement dire gagner en croissance et en dimension. Évoluer signifie avant tout changer de modèle pour s’adapter à son nouvel environnement. Environnement que l’entreprise elle-même, de par ses activités en lien avec toutes les autres, contribue, à son échelle, à façonner et à modifier. Au même titre que l’évolution des espèces, il s’agit ici aussi d’un dialogue et d’un échange permanent d’informations entre « intérieur » et « extérieur » ; entre le système et son milieu. Un échange continu qui fait que l’entreprise n’a pas nécessairement vocation à grossir pour survivre et évoluer. Bien au contraire, mieux elle saura conserver ses dimensions d’origine, mieux elle sera à même de sauvegarder son intégrité « biologique » en misant non sur son poids et sa capacité à inonder les marchés, mais sur sa flexibilité, sa capacité d’innovation, d’adaptation et sur sa réactivité face aux fluctuations des marchés et de la mode. On peut continuer à avoir des projets et de grandes idées sans pour autant avoir des idées de grandeur.
 
La méthode

Celle-ci doit avant toute chose se distinguer par la simplicité et l’efficacité de sa mise en œuvre. Elle doit être transposable à tous les domaines professionnels aussi bien que privés. Premièrement se poser les bonnes questions afin de se donner les meilleures chances possibles d’apporter les bonnes réponses. Revenir aux fondamentaux d’un management de proximité où le dialogue, la communication et surtout l’échange retrouvent leurs lettres de noblesse. Un management simple, rationnel, peu coûteux en terme de moyens, d’outils mais aussi en temps. Un management ayant comme point de mire l’efficacité et la réactivité. Garder toujours à l’esprit que l’entreprise (au sens large) est un organisme vivant comme les autres et que, ce faisant, elle obéit à des lois auxquelles elle ne peut déroger :
 
  • Information depuis la base.
  • Retour d’information (feed-back) ou d’expérience vers le haut.
  • Interprétation réactive et efficace en fonction des besoins et/ou des difficultés.
  • En d’autres termes, la qualité de la communication y est primordiale !


    Les grands axes

    Client – Collaborateurs - Produit – Process – Réseaux – Objectifs.
    Faire le lien entre tous ces pôles et assurer une bonne communication en terme de qualité de l’information, de sa pertinence et de l’efficacité de son acheminement.
    Il existe d’innombrables publications, blogs, sites et autres méthodes de management, mais elles ne font en général qu’ajouter à la confusion à grands renforts de graphiques, de formules, néologismes, méthodes « révolutionnaires » et courbes en tous genres. D’autres empruntent ici et là, à telle ou telle philosophie d’entreprise : modèle Toyota, méthode Deming, Lean ou Kaizen, mais sans jamais oser embrasser ces méthodes dans leur totalité.
    Oser le changement ! Accepter de renoncer pour évoluer ! Accepter de tourner le dos aux vieux schémas hiérarchiques, aux archaïsmes judéo-chrétiens pour enfin faire entrer l’entreprise dans le 21ème siècle.


    Quelle direction pour l’entreprise ?

    Écoute, respect, transparence, justice, objectifs clairs, coopération, communication, décloisonnement, vérité, sincérité, engagement, pédagogie, discrétion… autant de valeurs a priori évidentes mais qui, pour des raisons le plus souvent productivistes ou tout simplement hiérarchiques et donc égocentriques, sont le plus souvent mises de côté au détriment de la bonne santé économique mais aussi et surtout morale de l’entreprise. Car travailler à son bonheur c’est aussi être heureux de travailler. C’est voir dans son travail autre chose qu’une simple nécessité alimentaire. C’est lui trouver du sens. Autrement dit y voir une direction, un but, une forme de finalité qui dépasse le seul lieu géographique de l’entreprise ou du bureau. Il doit être l’opportunité d’une construction autant individuelle que collective. Il doit être l’occasion d’un enrichissement et d’un épanouissement personnels. Le salaire seul, qui n’est en réalité qu’une forme de dédommagement ou de «loyer versé» au salarié ne suffit pas à cette tâche. Il est, si j’ose dire, le minimum syndical. Il n’est là, comme le disait fort justement Proudhon, qu’en compensation du temps consacré à travailler pour le patron lors que nous pourrions passer ce temps à travailler pour soi. Or, les esprits chagrins rétorqueront goguenards, que travailler pour soi c’est être son propre patron et que tout le monde n’a pas les moyens intellectuels, physiques ni même l’envie d’être son propre patron. C’est là toute la différence entre coopération et compétition. Quant à l’envie ou a son absence, elle n’est pas à juger à l’aune de la volonté d’entreprendre. Laquelle serait considérée comme la panacée du courage, de l’abnégation et tant d’autres qualités qui sont traditionnellement attribuées aux patrons. L’envie ou l’absence d’envie, dès lors qu’elle ne nuisent à personne, sont des droits et n’ont pas à être jugées. Le « management », le « leadership » sont certes des vocations. Mais le fait d’être entrepreneur et meneur d’hommes n’a ni plus ni moins de valeur que n’importe qu’elle autre profession ou emploi au sein même de l’entreprise. Certes, la direction d’une entreprise nécessite de nombreuses aptitudes ou qualités transdisciplinaires. Pour autant, chacun d’entre nous est également riche de nombreuses aptitudes, talents ou dons pas toujours révélés d’ailleurs à celui ou celle qui les porte en soi. C’est aussi le rôle du manager que de savoir mettre en avant et développer les aptitudes autant professionnelles que personnelles du tout un chacun. Quelles qu’elles soient, elles peuvent, à un moment ou à un autre, s’avérer autant d’atouts pour la bonne marche et le développement de l’entreprise. c’est d’ailleurs une démarche qui devrait pouvoir être initiée bien avant l’entrée dans le domaine professionnel, c’est-à-dire à l’école. Malheureusement, là aussi, il est urgent de renoncer aux vieux concepts d’un enseignement standardisé, conformé et d’une forme de monoculture censée s’adresser à tous, mais qui laisse malheureusement de côté toute une diversité de points de vue, de talents, d’aspirations et surtout de créativité inexplorés et perdus pour la Nation. Bien sûr, il faut des spécialistes. Mais il faut que ces experts dans leur domaine soient à même de se nourrir d’autres disciplines parfois aux antipodes mêmes de leur spécialité. Car c’est justement cette transdisciplinarité, cette diversité des sources d’inspiration qui est garante de la créativité, de la capacité à faire évoluer et donc progresser son propre domaine d’activité. Ici encore et comme à chaque fois, c’est l’aptitude à l’échange, à une part de renoncement ou de lâcher prise, sinon à une certaine curiosité qui est garante de la survie d’une discipline comme d’un organisme. Ici encore, les principes inaliénables de la vie font force de loi.

    Enfin, c’est aussi le rôle d’un dirigeant, d’une « Direction d’entreprise » que de clairement désigner le cap, les buts et objectifs. C’est à lui de donner du sens à toute activité au sein de sa structure. Aussi faut-il retrouver le sens des mots comme « direction » afin de pouvoir donner ou redonner du sens à nos actes. Le dirigeant se doit donc aussi d’être pédagogue. Non seulement il désigne les objectifs, mais aussi la meilleure manière de les atteindre. Il explique pourquoi et comment tel ou tel poste, acte ou décision participe, quel que soit son niveau de technicité, à la réalisation des objectifs. Chacun doit pouvoir se sentir investi et valorisé dans son rôle, fût-il le plus modeste en apparences.
     
    "Rien de grand ne fut jamais réussi sans enthousiasme. La vie peut devenir merveilleuse, si l’on sait s’y abandonner."

     
     
    Le bonheur est-il à ce point contre-productif ? Faut-il systématiquement être contraint pour être efficace et donc rentable ? Encore aujourd’hui, on peut véritablement se poser la question car si des efforts sont journellement accomplis pour améliorer le confort physique, la sécurité et le bien-être moral au sein de nombreuses entreprises, la pression productiviste, les exigences comptables reprennent vite l’ascendant sur les considérations humaines. Qui plus est et malgré ces efforts, l’essentiel reste toutefois de faire en sorte que chacun se sente véritablement impliqué, reconnu et qu’il trouve un sens véritable dans ce qu’il accompli sur son lieu de travail au quotidien. Un sens doublé d’une cohérence et d’une harmonie avec ses valeurs personnelles et jusqu’à sa vision du monde.

    Aussi, et concernant le recrutement de ses « collaborateurs » comme on se plaît à dénommer le personnel aujourd’hui, ne faut-il pas se focaliser sur les expériences et autres spécialisations mais au contraire élargir le spectre aux qualités humaines, aux motivations, aux goûts personnels, aux singularités qui pourront tôt ou tard trouver leur place et devenir des atouts majeurs. Aussi faut-il s’intéresser autant aux objectifs personnels que professionnels car c’est avant tout la personne qui fait le professionnel et non le contraire.

    Impliquer le plus possible ses collaborateurs afin qu’ils se sentent concernés et investis dans leur travail. Pour cela il ne faut pas hésiter à jouer carte sur table sur ce que vous attendez d’eux et sur ce qu’ils peuvent aussi attendre de vous. Clarté – honnêteté – transparence et vérité feront la confiance dans la réciprocité et de là, l’envie de travailler ensemble à un objectif commun.
    Ne pas essayer de faire croire à vos collaborateurs que vous leur confiez une « mission » pour les valoriser mais faire en sorte que par eux-mêmes et au travers de leur investissement personnel, ils finissent authentiquement à voir davantage dans leur travail qu’une simple nécessité vitale ou contrainte alimentaire. Soyez l’occasion de leur transformation !

    Chacun doit pouvoir se sentir partie prenante et intégrée dans un tout : l’entreprise et plus, la société, le monde, l’univers. Pour cela, il faut qu’au plus bas on sente que ce qu’on accomplit au quotidien s’inscrit harmonieusement avec le plus haut. Il faut que chacun sente une cohérence en même temps qu’une continuité et une convergence des aspirations aussi bien humaines que biologiques. Il faut du sens et de la créativité à tous les degrés. Fini la compétition interne ou externe ! Vive la coopération, la synergie des forces et l’harmonisation des objectifs et des moyens d’y parvenir. La nouvelle entreprise doit axer ses développements sur la base du travailler ensemble à un objectif tout à la fois original, fédérateur et qui ne soit pas nécessairement et systématiquement orienté sur la conquête des parts de marché et l’annihilation de la concurrence mais sur la création de produits et de services nouveaux, utiles pour tous, de qualité et éthiques à tous égards. La vie de la nouvelle entreprise ne doit plus être une lutte. Elle doit reposer sur les notions de création, d’invention, d’adaptation, de souplesse, de plasticité, d’évolution, d’écoute, d’épanouissement et de valorisation en interne plutôt que de croissance et de richesse en externe. Avec tout ce que ces deux termes sous-entendent de mépris de la personne et de la vie au sens large, d’archaïsme, de conformisme, d’arriération, de dégradation de l’homme et de l’environnement, de maltraitance animale, de régression, de mal-être, d’insatisfaction permanente et de malheur chronique.

    La nouvelle entreprise doit répondre à des besoins et non plus susciter des envies. Elle doit être tournée vers la société et le monde et s’inscrire naturellement dans le flux même de la vie.
    Enfin, s’il est une valeur qui doit être aujourd’hui plus que toute autre mise en avant au sein de l’entreprise, c’est la créativité. Cette aptitude de chacun à être partie prenante du moindre projet, de la moindre décision. Au sein de la nouvelle entreprise, elle doit être systématiquement développée, encouragée, reconnue et valorisée. Il faut la faire naître à tous les niveaux et de toutes les manières afin qu’elle devienne naturelle. Car la créativité permet à chacun d’être véritablement acteur en participant, à son échelle, à la construction d’une société nouvelle à la fois plus juste et plus harmonieuse.

    ________________________
     1« Maintien à un niveau constant, par les organismes vivants, des caractéristiques internes (température, concentration des substances, etc.) ». Définition Le Petit Larousse illustré 2015.
      2
    Joêl de Rosnay, L’homme symbiotique, éditions du Seuil, 1995, p. 232.
     

     
     



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