EFFONDREMENT & EVOLUTION  
         
          Sébastien JUNCA   
La planète des singes 1968
Mercredi 26 février 2020

LA TÊTE DANS LE SABLE

 
C’est particulièrement affligeant de constater tous les jours à quel point la notion d’adaptation est de moins en moins comprise et encore moins mise en pratique par notre espèce. Chaque jour davantage, le réchauffement climatique et ses infinies conséquences modifient de façon notable et graduelle notre environnement. Pour ne citer que deux exemples, la raréfaction de la neige en haute montagne qui inquiète et les professionnels du secteur et bien sûr les touristes ou vacanciers. Second exemple, le recul significatif du trait de côte après chaque tempête. Tempêtes qui soit dit en passant, sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. Les premières habitations du littoral s’en trouvent bien évidemment menacées et finiront, ne nous le cachons pas, à la mer.
 
Pour autant et en dépit de ces avertissements et surtout de ces injonctions au changement et à l’adaptation, certains n’ont pas d’autre idée que de faire livrer de la neige par hélicoptère. En effet, « La station de ski de Sainte-Foy-Tarentaise (Savoie) s'est fait livrer dimanche 27 et lundi 28 décembre près de 100 tonnes de neige par hélicoptère, rapporte France Bleu Pays de Savoie. Située entre 1 550 m et 2 620 m d'altitude, la petite station fait face cette année à un déficit de neige dans certains secteurs. Pour transporter cette neige de culture, une soixantaine de rotation ont été nécessaires. La station espère ainsi satisfaire les clients qui se pressent cet hiver dans ce domaine skiable.
» Voila bien tout ce qui compte aujourd’hui : satisfaire les clients et donc les finances de la station.
 
Quand certains n’hésitent pas à livrer de la neige par hélicoptère, d’autres communes du littoral remblaient périodiquement les plages pour que les touristes et les activités censées les satisfaire puissent se poursuivre et continuer de faire vivre tout ce petit monde. Le tout en se donnant l’illusion que rien ne change et que le monde continuera de tourner ainsi pendant encore quelques décennies. Plutôt que de nous adapter ; plutôt que de modifier nos activités et de changer notre rapport à la nature, nous continuons, tête baissée, tels des forcenés, à ne vouloir rien changer de nos habitudes et de nos futiles et bien dérisoires petits plaisirs égoïstes.
 
Pourtant, nous n’en sommes qu’au début. Autant dire que ce que nous « subissons » aujourd’hui en terme de conséquences du réchauffement climatique et de modification de l’environnement n’est qu’un maigre aperçu de ce qui nous attend dans les années à venir. Il ne sera plus question de livrer de la neige par hélicoptère ou d’ensabler des plages avant chaque saison touristique. La neige aura sans doute disparue jusqu’à 2 000 mètres. Y aura-t-il encore du kérosène pour les hélicoptères ? Quant aux stations balnéaires que nous connaissons aujourd’hui, elles ne seront plus que ruines lessivées par les flots.
 
Nous vivons à une époque et au sein de sociétés où chacun se plait à croire et à entendre dire que tout est sous contrôle. Tous ceux qui nous gouvernent se font d’ailleurs un point d’honneur à encourager ce comportement et à en être même le plus souvent à l’initiative. Le hasard, l’imprévu, la chance ou la providence n’on plus droit de cité. Tout se doit d’être mesurable, quantifiable, prévisible et contrôlable. Depuis les naissances jusqu’à la météo en passant par la prochaine épidémie de grippe, plus rien ne doit nous prendre au dépourvu. Or, bizarrement, ce que nous ne contrôlons pas, si tant est que nous contrôlions quoi que ce soit d’ailleurs, ce que nous ne contrôlons pas donc, nous l’ignorons ou feignons de l’ignorer. Nous continuons, contre tout attente, à faire comme si de rien n’était. Tel l’orchestre sur le pont du Titanic en train de sombrer, nous continuons à jouer jusqu’au bout la partition de nos illusions perdues.
 
Même au niveau individuel et dans nos vies privées, rares sont ceux qui acceptent de s’adapter, de changer quelque peu leurs habitudes, d’évoluer en somme. Chacun, le plus souvent se bat bec et ongles pour conserver ses prérogatives, ses petits avantages. On a du mal à concéder à l’autre, fût-il son conjoint. Rares sont les couples qui durent aujourd’hui et je crois qu’il ne faut pas chercher plus loin la raison. Chacun campe sur ses positions sans jamais rien lâcher. C’est d’ailleurs une expression très en vogue en ce moment : « on ne lâche rien ! » lors qu’il faudrait parfois, pour notre bien être et celui de tous, apprendre à « lâcher prise ».
 
Plus récemment encore, la prochaine fermeture de la centrale de Fessenheim en Alsace, exploitée depuis 1978 fait évidemment polémique. Chacun n’a de cesse de mettre en avant les retombées financières pour la ville et la région ainsi que les emplois directs et indirects générés par la centrale. Pour autant, tout le monde semble oublier les risques croissants d’accident nucléaire grave après 42 ans de bons et loyaux services. Là encore, on feint d’ignorer les risques pour préserver son confort et son niveau de vie au mépris de la sécurité de tous. Aujourd’hui, l’État est bien évidemment pointé du doigt pour tout ce que cette fermeture risque d’entraîner en perte d’emploi, en baisse de la qualité de vie. Mais vers qui se tourneront les victimes si un accident nucléaire majeur venait à se produire ?
 
La plupart des collapsologues nous disent que le monde occidental est au bord d’un effondrement systémique. Effondrement dont nos sociétés engraissées au productivisme, au capitalisme et au libéralisme ne ressortiraient pas indemnes. Un seul grain de sable comme une crise financière à l’image de celle de 2008, un conflit armé de plus ou une catastrophe naturelle majeure suffirait à tout déclencher. Quand on voit aujourd’hui à quel point les économies mondiales commencent à se sentir menacées par une éventuelle pandémie du corona virus, on se demande si ce dernier ne serait pas le fameux grain de sable tant redouté ?

 
 



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