Vendredi 25 septembre 2020
DES TESTES DETESTABLES
Il y eut d’abord les premiers mouvements de panique qui en ont conduit beaucoup à se précipiter dans les rayons des supermarchés pour faire le plein de produits dits de première nécessité : pâtes, riz, farine… La peur de manquer bien sûr et le désir d’anticiper d’éventuels mouvements de panique en contribuant soi-même à les faire naître.
Il y eut ensuite la course aux masques FFP2 et autres succédanés avec la pénurie qu’on connaît. Laquelle a conduit à tous les mensonges au plus haut niveau et règles sanitaires à géométrie variable en même temps qu’à toutes les dérives de la part des plus opportunistes en terme de prix, de stockage, de vols, de revente et de contrefaçons grossières…
Voila donc à présent le dernier volet de cette comédie en trois actes, s’il en est. Celle qui relate semaine après semaine, rebondissement après rebondissement, directive après directive, la bien triste histoire de nos comportements collectifs et de tous les dérapages induits par une crise sanitaire autant destructrice de nos illusions sur nous-mêmes que de notre économie.
Car fiers de nos progrès en tous genres, de nos acquis sociaux, de notre toute puissance technologique et de nos certitudes culturelles, nous n’en demeurons pas moins et en de telles circonstances, des animaux craintifs, tout fardés de civilisation et de grandes idées. Mais encore et toujours gouvernés par la peur, l’envie, la bêtise, l’égoïsme, l’amnésie et le manque total de respect à l’égard d’autrui et de reconnaissance à l’égard de la société elle-même. Autant de poisons et de maladies on ne peut plus contagieuses qui auront tôt fait, je ne cesse de le dire à longueur d’articles, de ruiner notre humanité bien davantage qu’un virus. Autant de toxines qui auront tôt fait de nous rappeler à nos instincts les plus primitifs.
Or, ces derniers jours, les laboratoires ont été les théâtres des plus vils comportements. Littéralement pris d’assaut par des meutes – le mot n’est pas trop fort – d’individus à l’évidence en bonne santé, mais néanmoins avides de tests PCR gracieusement délivrés par une sécurité sociale déjà au bord du gouffre financier. Par simple crainte, la plupart du temps irraisonnée, d’avoir contracté le virus avec des cas contacts, ces impatients hypochondriaques adeptes du panurgisme monopolisent les laboratoires et leurs personnels. Ce, quand d’autres patients, les vrais cette fois, atteints de maladies autrement plus graves, attendent sans mot dire leurs résultats d’analyse. Lesquels déclancheront ou non de prochaines séances de chimiothérapie dont la rapidité de la mise en œuvre décidera de leur efficacité et donc de la survie de ces patients très patients.
Le spectacles est autant effrayant qu’affligeant. Car non contents de pouvoir bénéficier des largesses d’un système de santé exsangue mais néanmoins hypersollicité, ces parasites de profession n’en manifestent pas moins à l’égard des personnels épuisés, débordés et surtout apeurés, une agressivité et une violence verbale qui n’étaient pas loin de le céder aux gestes. À tel point d’ailleurs que des agents de sécurité furent par endroit embauchés pour l’occasion. Quelle tristesse ! Quelle honte ! Quel scandale ! Mais dans quel pays vivons-nous ? La France monsieur, la France. Comment peut-on à ce point s’en prendre à des personnels de santé dévoués, quasiment livrés à eux-mêmes et oeuvrant au-delà de leurs limites physiques et morales pour le bien de la collectivité ?
Rappelons-nous qu’il n’y a pas si longtemps, on n’hésitait pas à les applaudir à tout rompre tous les soirs à 20 H au plus fort de la crise, à grands renforts de hourras et de banderoles ostentatoires. Souvenons-nous aussi, à l’heure où le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher vient de s’ouvrir, des embrassades et haies d’honneur au passage des forces de police après les dits attentats. Mais souvenons-nous aussi des plus récentes agressions à répétitions et tentatives de lynchage à l’égard de ces mêmes forces de police durant les différents mouvements sociaux de ces deux dernières années.
Le Français est décidément un enfant gâté, indiscipliné, amnésique, éternel insatisfait, inconstant et irrespectueux, épris d’une liberté individuelle qui n’a plus aucun sens sans un minimum de devoirs collectifs. Ceux-là qui n’ont de cesse de se gargariser de l’idée de liberté et de droits de l’homme sont les mêmes qui, la plupart du temps, profitent à l’envi de tout ce que la société laborieuse, silencieuse et respectueuse des valeurs et des devoirs qu’elle s’est à elle-même imposés peut leur prodiguer d’aides sociales en tout genre, de soins gratuits pour tous, d’éducation, d’aides au logement, à la consommation et de gratuités de toutes sortes. Autant d’acquis sociaux le plus souvent perçus comme des dus par ceux qui ont depuis longtemps oubliés leurs devoirs. Les mêmes encore qui crient à la dictature et au fascisme dès que l’état, par ailleurs providence, fait un tant soit peu preuve d’autorité en essayant tant bien que mal d’appliquer la loi.
Telle semble être la faiblesse de tout régime démocratique. Tout du moins tel qu’il est vécu en France. Un régime qui prête le flanc à toutes les formes de parasitismes, d’excès, de fraudes, de débordements, de revendications, de vandalismes et autres invites à la révolution mais à finalité exclusivement individuelle. « ON Y A DROIT ! ». Notre société est bel et bien malade de ses propres avancées sociales.
Comment imaginer que certains viennent se faire tester trois fois en une semaine tout simplement pour se rassurer ? Comment imaginer que d’autres se plaignent de faire la queue devant les laboratoires depuis plusieurs heures sans boire ni manger parce qu’ils doivent prendre l’avion et donc se faire tester POUR PARTIR EN VACANCES ? Comment imaginer encore que d’autres, parce qu’ils reviennent justement de vacances à l’étranger, veulent absolument se faire tester parce que pour mille et une raisons qui se résument à leur seule inconséquence, ils soupçonnent d’avoir été en contact avec des porteurs du virus et qu’ils craignent de le propager parmi leurs proches ? Quelle attention portée à autrui !
Mais où va-t-on ? Si chacun, comme il se doit en cette période de crise sanitaire, se contentait de limiter ses déplacements, ses contacts, ses loisirs, ses désirs tout en respectant des gestes barrière qui ont largement fait la preuve de leur efficacité et leur bon sens, nous n’en serions pas là. On en viendrait presque à se demander si pour la plupart, le test PCR ne s’apparenterait pas à une forme de vaccination avant la date qui, s’il s’avère négatif, permet à tout un chacun de continuer de vivre normalement, en toute insouciance et sans plus respecter les précautions d’usage. Dans leur esprit simplifié à l’extrême on comprend : négatif un jour ; négatif toujours !
Une fois encore, la facilité d’accès à des services trop souvent gratuits ou pris en charge par la collectivité conduit à tous les excès, à tous les débordements, à toutes les incivilités. Après tout, pourquoi s’en priver puisqu’on y a droit ? Si je n’en profite pas, d’autres en profiterons à ma place. Au diable la réflexion, le bon comportement, le civisme ou l’altruisme. L’essentiel aujourd’hui étant de faire valoir ses droits ; de PROFITER de toutes les occasions qui se présentent sans plus se demander si d’autres en ont plus besoin que nous ou si nous-même pouvons nous en passer. Fi de la bonne mesure et de la modération !
Autant de comportements qui démontrent une fois encore que, d’une manière ou d’une autre, la plupart d’entre nous semble bien incapable de se priver momentanément. Impossible de se restreindre et de pratiquer individuellement une forme pourtant nécessaire sinon vitale sur le plan collectif de tempérance et de sobriété. On refuse de céder une once de droit à la consommation, de pouvoir d’achat ou d’aides sociales de toutes natures. Je me souviens d’une Gilet Jaune interviewée en son temps et criant toute sa révolte face à la caméra : « Qui va payer nos dettes ? ». Ou encore d’un couple de retraités pareillement accoutré se plaignant à leur tour de ne plus pouvoir faire autant de kilomètres qu’auparavant avec leur camping-car. Cherchez l’erreur !
Encore une fois, quel serait l’avenir d’un organisme dont chaque cellule ne se soucierait plus que de son propre bien sans égard pour le corps – biologique ou social – dont dépend leur survie mutuelle ? Encore une fois, trop d’entre nous se reposent encore sur l’effort collectif des autres en négligeant ce que nous devons d’abord exiger de nous-mêmes. Même en cette période de crise, nous avons encore trop tendance à oublier que ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières. Détournons-nous des eaux stagnantes et saumâtres, des marigots, des rivières asséchées. Ignorons les déserts qui nous encerclent et faisons de chacun d’entre nous des oasis de vérité, de beauté, d’humanité. Concentrons chacun de nos efforts sans nous laisser gagner par l’aridité ambiante et soyons des sources pour de nouveaux ruisseaux. Les rivières nouvelles viendront en leur temps.