EFFONDREMENT & EVOLUTION  
         
          Sébastien JUNCA   
Dimanche 15 mars 2020

COVID 19: L'HUMANITE S'ENRHUME, LA PLANETE RESPIRE !

Comme la plupart des crises et autres accidents de la vie, celle du
Coronavirus en dit long sur nos comportements individuels et collectifs. La peur fait tomber nos défenses, et pas seulement immunitaires. Elle tombe les masques du quotidien et montre chacun sous son vrai jour. Il en va de même au niveau des nations. Celles qui penchaient déjà vers un protectionnisme s’en trouvent confortées dans leurs certitudes et en profitent pour fermer leurs frontières. Cette crise reflète aussi l’intelligence et la discipline des peuples. On constate d’ailleurs, dans ce domaine, l’exemplarité des régimes totalitaires qui démontrent l’efficacité, en de telles circonstances, d’un gouvernement aux méthodes coercitives. Exemplarité saluée par l’O.M.S. À n’en pas douter, cette crise, si elle perdure, va indubitablement remettre bien des pendules à l’heure. Que ce soit dans nos comportements individuels comme à l’échelle des nations et de cette mondialisation hypertrophiée qui ne fait qu’aggraver la pandémie.
 
Tout organisme vivant – et les nations sont des macro-organismes – a besoin pour maintenir son unité d’un minimum d’échanges avec son environnement. Pour autant, il a tout autant besoin de maintenir cette unité qui le définit en se désignant un « intérieur » et un « extérieur » par le biais d’une membrane (
cytoplasmique ou frontalière) qui l’isole au moins partiellement de son environnement et des autres organismes. Les échanges internationaux et la mondialisation ont poussé à l’excès la porosité des états jusqu’à menacer leur intégrité économique, culturelle, écologique et sanitaire. Certains ont eu beau dire que le virus ne connaissait pas les frontières, son vecteur principal reste quand même les populations humaines pour lesquelles les frontières ont été inventées.
 
Quoiqu’il en soit, l’excès de mondialisation et de voyages internationaux de toute nature ont de fait fragilisé les nations en propageant d’autant le virus. Que ce serait-il passé s’il s’était agit d’un virus dix fois plus virulent qu’il ne semble l’être aujourd’hui ? Ce n’est ni la peste ni le choléra. Encore moins la
grippe espagnole. Et pourtant, nous ne pouvons que constater à quel point notre modèle socio-économique occidental capitaliste est fragile et vulnérable.
 
Le bon grain de l’ivraie
 
Cette « tempête sanitaire » va immanquablement faire du vide. Paradoxalement, on peut supposer que si elle dure assez longtemps, cette crise va de fait « assainir » les économies des pays riches. De nouvelles habitudes de consommation, de production, de déplacement et de travail vont progressivement s’installer par la force des choses. Sans doute chacun ira-t-il davantage vers l’essentiel, le vital. Aussi bien dans sa manière de consommer, plus locale, que dans ses loisirs ou sa façon de travailler. Tous les aspects artificiels ; toutes les activités humaines les plus éloignées des nécessités vitales et qui parasitent nos vies sans nous en rendre compte vont s’en trouver balayées au fil des semaines et des mois. Contrains et forcés, ceux qui jusque-là n’avaient jamais envisagé ni même songé à changer leurs habitudes finiront par adopter de nouveaux comportements. Lesquels, on peut l’espérer, finiront peut-être par devenir naturels.
 
La plupart des produits de consommation courante, mais qui ne sont pas pour autant des produits de première nécessité, et du fait de leur provenance essentiellement chinoise, vont progressivement disparaître des rayons. On peut supposer que ce phénomène ne durera malheureusement qu’un temps. Mais il montrera au moins à une grande partie de la population des pays riches qu’il est possible de consommer autrement. Peut-être à moins bas coût, mais de manière plus raisonnée et exigeante. Autrement dit, plus durable. Le plus gros fournisseur de biens de consommation qu’est la Chine, a de fait, réduit de manière significative sa production et ses exportations vers les pays occidentaux. Ce, du seul fait du confinement prolongé de ses ressources humaines. On peut d’ores et déjà espérer que la conséquence de cette pénurie poussera chaque européen à se tourner davantage vers des produits et des savoir-faire nationaux sinon locaux. Les relocalisations et le made in France vont, on peut l’espérer également, s’en trouver accrus.
 
L’autre bienfait de cette crise, si elle dure assez longtemps, sera son impact considérable sur les bourses et la spéculation sur les marchés internationaux. On peut espérer que les bulles financières et les richesses artificiellement entretenues par les systèmes boursiers vont soudainement éclater comme des bulles de savon. Dans cette histoire, ceux qui ont le plus à craindre et à perdre, sont justement ceux qui, d’une façon ou d’une autre, vivent de ce système, l’encouragent et l’entretiennent. Les plus riches bien sûr, mais aussi les classes moyennes, agglutinées dans les mégapoles, grandes consommatrices de biens de toutes natures, friandes de tout ce que la société moderne peut offrir de nouvelles technologies, de loisirs autant coûteux qu’inutiles et particulièrement néfastes pour la planète.
 
Une planète qui, du reste, ne se porte sûrement pas plus mal depuis que le COVID 19 a fait son apparition au sein de l’humanité. Baisse de la production industrielle mondiale, donc de l’extraction de matières premières. Baisse également notable de notre consommation d’énergies fossiles par des déplacements de plus en plus limités et par la réduction massive des vols internationaux. Qui dit baisse de consommation de produits industriels dit aussi baisse de la pollution générée par les déchets que cette surconsommation engendre à tous les niveaux.
 
Les pékinois ont redécouvert le bleu du ciel depuis que leur industrie s’est mise en veille. À n’en pas douter, l’après virus nous montrera à quel point l’impact positif de cette crise sur notre environnement aura été significatif et signifiant. Car cette crise fera aussi la démonstration de notre capacité à infléchir l’impact négatif de nos comportements sur la planète. Tout simplement en y mettant un peu du nôtre. En faisant preuve de bonne volonté et de discipline et en changeant certaines de nos habitudes les plus nocives sur le plan environnemental. Revenir à une forme de frugalité sinon de sobriété dans nos comportements de consommateurs, voila ce à quoi nous enjoint indirectement cette crise. Elle nous souffle la solution pour remédier rapidement et efficacement aux maux dont souffre la planète.
 
Un virus peut en cacher un autre
 
Il y a huit ans, suite au naufrage du navire de croisière italien Costa Concordia, j’avais écrit un texte intitulé : Un naufrage peut en cacher un autre
1. Cet « autre » naufrage dont celui du Concordia était la préfiguration, était celui de nos sociétés occidentales. On ne parlait pas encore d’effondrement ou de collapsologie. De la même manière aujourd’hui pourrais-je encore écrire : Un virus peut en cacher un autre. Car derrière le COVID 19 se cache une autre pandémie beaucoup plus dangereuse pour la vie et pour la planète elle-même : c’est celle d’Homo sapiens qui s’est répandu à l’image d’une contagion sur toute la biosphère depuis à peu près 10 000 ans.
 
Aussi, et de ce point de vue, le Coronavirus fait figure d’antidote ou de défense immunitaire pour une planète qui souffre de surpopulation et d’infection humaines. Comme tous les vaccins ; comme tous les antidotes, le remède pour la planète ne pourra être conçu qu’à partir du mal lui-même. C’est donc bien notre espèce seule qui détient le pouvoir de réguler sinon de diminuer drastiquement son impact sur la planète, son organisme hôte.
 
Je vois cette crise comme un avertissement. Elle nous dit que nous pouvons agir parce qu’il est encore temps de le faire. Dans le cas contraire, et à moins que notre folie et/ou notre cécité ne plongent la Terre dans une crise écologique majeure et irréversible, un autre virus, directement né de nos comportements, pourrait à nouveau surgir et décimer l’humanité. Or, rien ne nous autorise à penser qu’il ne pourrait pas être à l’origine de notre prochaine et irrémédiable extinction. Cette bonne vieille Terre se serait alors enfin débarrassée d’un encombrant parasite au même titre que nous nous débarrassons d’un mauvais rhume.

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1. Cf, Sébastien Junca, Le Vouloir du Véridique, Carnets hygiéniques, 2015, p. 52.

 
 



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